Brecht et Rancière : artiste ignorant et spectateur émancipé
Thomas Voltzenlogel
14 décembre 2015
brechtranciere

Depuis l’intervention décisive de Jacques Rancière dans Le Spectateur émancipé, l’esthétique brechtienne est à nouveau accusée de pédagogisme, d’autoritarisme. Quel rapport critique entretenir avec Brecht pour permettre une relève du théâtre didactique et dialectique ? Thomas Voltzenlogel propose ici de revenir à une dimension souvent occultée du théâtre brechtien : la question de la méthode de décomposition du réel et de re-production esthétique. Au fond, ce qui garantit la démarche émancipatrice d’une esthétique dialectique, c’est la transmission d’un savoir-faire plutôt que d’un savoir, de mettre en circulation les moyens de produire et reproduire le réel.

Le marxisme, étant non seulement une science, mais aussi un art, ne peut être correctement assimilé que si on le pratique. Un apprenti peintre sérieux regarde un Rembrandt et essaie de le copier, non pas parce qu’il cherche à faire un faux ou croit qu’il peut réaliser la même chose que Rembrandt. Il fait cela parce que la pratique consistant à essayer de suivre les traces de Rembrandt va influencer ses capacités de peintre et les élever au niveau le plus haut qui lui soit accessible.

Tony Cliff, Un monde à gagner

Faire usage de Brecht sans le critiquer, c’est le trahir.

Heiner Müller, Erreurs choisies

À la fin des années 1970, Jacques Rancière mettait en garde les artistes critiques contre le recours des techniques brechtiennes à des fins pédagogiques ; cette « distanciation » (ou « étrangéisation ») brechtienne qui devait dérouter la conscience spectatrice ne devait se retourner « en confirmation supplémentaire des certitudes de la conscience orthodoxe » (Rancière, 1978 ; p. 123) de gauche. Face à cette raison pédagogique intimidante et infantilisante, sa volonté de sursaturer les images de savoirs à travers sa légende ou son commentaire, Rancière se réfère à « l’anti-pédagogie » post-groupe « Dziga Vertov » de Jean-Luc Godard dans Ici et ailleurs ou dans Comment ça va ? : un travail de libération des images des légendes, des discours qui leur sont associées. On entend en voix-off à la fin d’Ici et ailleurs : « Mais d’où vient-il que nous avons été incapables de voir et d’écouter ces images toutes simples et que nous avons, comme tout le monde, dit autre chose à propos d’elles, autre chose que ce qu’elles disaient pourtant. Sans doute est-ce que nous ne savons ni voir ni entendre ou alors que le son est trop fort et couvre la réalité. Apprendre à voir ici pour entendre ailleurs. Apprendre à s’entendre parler pour voir ce que font les autres ». Pour Rancière :

Peut-être est-ce là que commence, modestement, une critique contre le compromis culturel : dans l’entêtement à saisir ce qui se passe dans l’opération de la légende ; entêtement contradictoire en ce qu’il doit, contre le pédagogisme, recourir à une autre pédagogie. Sans doute, par-delà les espoirs ou les illusions d’avoir dépassé le brechtisme, retrouvons-nous aujourd’hui ce qui fut, derrière la parade pédagogique, le grand souci, le grand mythe brechtien: délivrer les mots et les images de leur valeur d’échange (en pouvoir), pour les rendre à un nouvel usage (en liberté).(Rancière, 1978 ; p. 126)

Ainsi la lutte contre le « pédagogisme », contre la « logique explicatrice », nécessite l’invention d’une autre forme de pédagogie, une autre manière d’apprendre, qui ne passe pas (uniquement) par le discours explicatif : « Apprendre à voir, pas à lire » lit-on sur un écran dans Ici et ailleurs.

Rancière n’a pas été le premier à entreprendre une critique de la conception pédagogique du brechtisme. Avant lui, le monde académique et celui des artistes avaient déjà tenté de réduire les théories théâtrales de Bertolt Brecht à une simple succession de procédés produisant toutes sortes d’effets déterminés chez le spectateur. On oublie régulièrement que ces procédés, ces techniques, ne sont pas déconnectés d’un projet théâtral et d’une orientation politique précis. Son objectif critique est double : il s’agit d’une part de mettre en crise des représentations dominantes des êtres sociaux et d’autre part de transformer nos rapports de spectateurs à ces représentations.

M’intéressant depuis plusieurs années aux théories et aux pratiques brechtiennes du théâtre, je ne peux faire l’impasse sur les critiques formulées à leur endroit. Loin de se concentrer exclusivement sur le théâtre et le cinéma brechtien, c’est à une critique radicale de l’ensemble de « l’art critique » que nous invite Jacques Rancière dans son livre Le Spectateur émancipé. Il critique la supposition au cœur d’une constellation d’œuvres critiques selon laquelle « l’art nous rend révoltés en nous montrant des choses révoltantes, qu’il nous mobilise par le fait de se mouvoir hors de l’atelier ou du musée et qu’il nous transforme en opposant au système dominant en se niant lui-même comme élément de ce système » (Rancière, 2008 ; p. 57). Le cœur de sa critique de l’art critique porte sur l’impossibilité d’élaborer « toute relation déterminable entre l’intention d’un artiste, une forme sensible présentée dans un lieu d’art, le regard d’un spectateur et un état de la communauté » (Rancière, 2008 ; p. 63). Concevoir une politique de l’art déconnectée des politiques des artistes revient alors à reformuler une certaine « autonomie esthétique » des objets, indifférente aux découpages singuliers des objets communs ainsi qu’aux intentions qui président leur production. L’enjeu est-il aujourd’hui de penser « une politique de l’art » qui précède les politiques des artistes ? C’est-à-dire une vie et des effets esthétiques qui n’obéiraient à aucune élaboration stratégique. Ou s’agit-il plutôt de penser une politique de la production, du travail artistique ? Politique qui se situe selon moi au carrefour des politiques de l’art et des politiques des artistes.

Une lecture approximative des concepts déployés dans Le Spectateur émancipé incite à penser que cet ouvrage n’est qu’une simple déclinaison dans le domaine des arts des théories de l’émancipation intellectuelle de Jacotot exposées dans Le Maître ignorant. Jacques Rancière précise pourtant que les deux textes ne sont pas réellement rédigés à partir du même point de vue. Si Le Maître ignorant est l’étude des méthodes mises en place par Joseph Jacotot pour déclarer l’égalité des intelligences et initier les élèves à la recherche personnelle et l’auto-apprentissage, Le Spectateur émancipé est lui la pratique concrète du spectateur émancipé et non l’exposition du processus d’émancipation et des dispositifs qui le permettent. En bref, Jacques Rancière n’a écrit ni L’Élève émancipé, ni L’Artiste ignorant. Voilà précisément l’écart que l’on va investir.

Toutefois, cet investissement ne se fera pas sans rupture avec l’ombre théorique qui recouvre la lecture du Spectateur émancipé par un lecteur avisé du travail philosophique de Rancière sur les questions politiques. En rompant avec l’héritage d’Althusser l’ancien étudiant de l’ENS et ex-membre de la Gauche prolétarienne a mis au ban de son travail deux concepts qui font cruellement défaut à une analyse de l’état de la situation dans le domaine esthétique ainsi qu’à l’étude des effets propres aux objets artistiques que l’on rencontre : il s’agit des concepts d’hégémonie et de conjoncture. Ceux-ci sont passés aux oubliettes d’une certaine tendance (post-)marxiste précisément au moment où l’idée d’événement hasardeux s’est substitué aux processus révolutionnaires, où la spontanéité insurrectionnelle a été revalorisée aux dépens des élaborations stratégiques, où les processus de subjectivation heureux ont remplacé le pénible travail militant en période de reflux, de défaites, cet état de siège dans une guerre de position démoralisante qui « implique des souffrances, des fatigues, des privations de repos, des maladies et la présence continuelle non pas du danger aigu qui trempe mais du danger chronique qui abat. » (Marx, 1855) Il s’agit de ne pas rester sourd à ce que l’extrême-droite européenne a mis en œuvre ces dernières décennies, à son offensive dans les milieux scolaires, universitaires, culturels, intellectuels, dans une conjoncture qui lui aura été plus que favorable. Sa tactique d’inspiration gramscienne de conquête, non pas directement des centres de la production intellectuelle ou du pouvoir politique, mais des espaces périphériques, l’a conduit a remporté de nombreuses batailles idéologiques. Cet article, loin d’explorer l’éventail des paramètres de la situation politique et idéologique (esthétique plus particulièrement) se veut un premier jalon pour repenser la texture esthétique, culturelle, politique dans laquelle nous nous enracinons.

Il s’agira ici de travailler davantage la théorie brechtienne à partir d’un point a priori aveugle de celle-ci : l’objectif, en dernière instance, de Brecht n’est-il pas de transmettre au spectateur, non pas (seulement) une méthode d’interprétation du monde (la dialectique matérialiste) mais également une méthode de production ? N’est-il pas de lier la production d’une représentation du monde à la mise en forme de cette représentation ? De quelle manière cette méthode découle-t-elle de « la grande méthode » (Brecht, 1965, p. 38) ? En quoi peut-elle être « une pédagogie de création » (Ingold, 2000, p. 152) ? Pour Matthias Langhoff, ancien étudiant au Berliner Ensemble, ce qui importait lors des phases de création des pièces de théâtre c’était la « méthode de travail brechtienne1 » qui reposait sur deux points : d’une part, une analyse de la pièce à monter (« établir l’utilité sociale de la pièce et […] découvrir les rapports dialectiques dans la fable »), d’autre part une incorporation dans le processus de création de l’ensemble des rapports sociaux à l’œuvre, des tâches administratives jusqu’au jeu des acteurs.

L’idée qu’un artiste puisse initier d’autres individus à la production se retrouve en creux dans les théories théâtrales de Brecht. Les modèles (Modell) de Brecht qui évoquent les « maquettes » ou les « modèles mathématiques » (Ivernel, 2000, p. 155) ne sont-ils pas destinés à servir directement à la production théâtrale ? Ne sont-ils pas voués à être récupérés par d’autres artistes ? Ne doivent-ils pas être copiés malgré tout le mépris que ce geste semble susciter ? Brecht lui-même se prêtait à l’exercice de la copie tout en encourageant ses lecteurs à faire de même :

Il faut se libérer du mépris fort répandu de la copie. Copier n’est pas ce qu’il y a de plus facile. Ce n’est pas un déshonneur, c’est un art. Disons qu’il faut en faire un art, en s’y prenant d’une façon telle que ne se produise ni uniformisation ni sclérose. Pour vous faire part de ma propre expérience de la copie : j’ai, en tant qu’auteur de pièces de théâtre, copié l’art dramatique japonais, grec, élisabéthain ; en tant que metteur en scène, les spectacles du comique populaire Karl Valentin et les esquisses scéniques de Casper Neher, et jamais je n’ai eu l’impression de ne pas avoir les mains libres. Donnez-moi un modèle raisonnable du Roi Lear, et j’éprouverai du plaisir à le recréer2.(Brecht cité par Ingold, 2000, p. 151)

On sait depuis les travaux de Michel de Certeau que les spectateurs (ou consommateurs) ne cessent de détourner les produits, culturels notamment, de leurs usages initiaux et usent de « tactiques » et de « stratégies » pour élaborer de nouvelles possibilités d’usage. Les travaux de Jacques Rancière sur la méthode d’enseignement de Joseph Jacotot nous encouragent à prendre en considération les capacités de n’importe qui à apprendre seul, sans maître, par la « méthode de l’égalité» qui est une « méthode de la volonté» (Rancière, 1987, p. 24). C’est en revenant sur l’héritage artistique, politique et philosophique de Bertolt Brecht (I) puis sur la critique du didactisme et de la pédagogie par Joseph Jacotot et Jacques Rancière (II) que l’on pourra esquisser les possibilités pour les spectateurs de s’emparer d’une méthode d’interprétation et de production (III). Le débat ne cesse d’osciller autour des deux pôles contenus dans cette question qui « reste » : « faut-il faire du spectateur un juge intéressé et critique ou faut-il en faire un artiste ?… » (Deutsch, 1999, p. 41).

Ce texte se veut être un premier jalon dans la ré-élaboration d’une stratégie militante dans l’art. Si le pédagogisme infantilisant a certes dominé une conception européenne de l’art militant (les films du cubain Santiago Alvarez, par exemple, semblent au contraire échapper à cette dimension pédagogique), la dé-responsabilisation des choix esthétiques des artistes qu’induit une lecture partielle (et sans doute partiale) du travail de Rancière semble aujourd’hui tendre à régner dans les discours et les productions « dissensuelles » des artistes de « gauche ». Cette première étape serait une ouverture pour repenser l’articulation entre art et militantisme du point de vue collectif de l’organisation de la production et de la diffusion et pour reconsidérer les esthétiques militantes dans leurs rapports aux méthodes de travail. Ces méthodes, dialectiques et matérialistes, doivent nécessairement s’étendre, se complexifier et s’assouplir non seulement en raison de l’existence de réalités subjectives différentes, de systèmes d’oppressions et d’exploitations qui coexistent au sein d’un même monde sans toujours s’entrelacer, mais aussi en raison de l’adaptation des programmes d’émancipations aux conjonctures toujours en cours de reconfiguration.

L’héritage de Bertolt Brecht

Il n’est pas aisé de déterminer précisément quelle est la partie de l’œuvre de Brecht qui a été reçue en héritage par les cinéastes qui s’y réfèrent. Si Danièle Huillet, Jean-Marie Straub, Harun Farocki, Hartmut Bitomsky, Helke Sander ou le groupe « Dziga Vertov » ont affirmé s’inscrire clairement dans l’orientation réaliste de Brecht, d’autres ont cultivé une certaine ambiguïté comme Pedro Costa, préférant citer la célèbre formule : « Faire des bijoux pour les pauvres ».

Cette difficulté tient à l’héritage lui-même, aux manières dont on hérite. En tant qu’héritiers ils n’ont pas forcément recueilli les mêmes éléments, car il faut considérer « l’hétérogénéité radicale et nécessaire d’un héritage » et la nécessité de « filtrer, cribler, critiquer, […] trier entre plusieurs des possibles qui habitent » un même héritage, écrivait Derrida au sujet de l’héritage de Marx (Derrida, 1993). Pour aborder la question de l’héritage de l’œuvre de Brecht, il faut auparavant effectuer un détour par ce dont il est lui-même l’héritier, par la pratique théorique qui a nourri ce dernier : le marxisme et sa méthode d’interprétation, la dialectique matérialiste. Plus particulièrement, il s’agira ici d’étudier cette « grande méthode » que Brecht utilisait en lecteur attentif de Marx (le « seul spectateur pour [ses] pièces3 »), Engels, Lénine et Mao. Comme le rappelle Louis Althusser, travailler sur la dialectique matérialiste c’est s’attaquer à une « Dialectique » qui n’a jamais été rédigée, à une « Théorie » qui n’a jamais été formulée (quand bien même Marx projetait de l’écrire). Car « la science peut faire son métier, c’est-à-dire produire des connaissances, pendant longtemps, sans éprouver le besoin de faire la Théorie de ce qu’elle fait, la théorie de sa pratique, de sa “méthode” » (Althusser, 1965, p. 176).

La dialectique matérialiste comme méthode d’interprétation.

Dans Me-Ti, Brecht énonce sa définition de « la grande méthode » :

La grande méthode est un enseignement pratique concernant les alliances et la rupture des alliances, l’art d’exploiter les changements et la dépendance où l’on est par rapport aux changements, la réalisation du changement et le changement des réalisateurs, la dissociation et la formation de groupes, la dépendance des contraires entre eux, la compatibilité de contraires qui s’excluent. La grande méthode permet de discerner dans les choses des processus et de les utiliser. Elle enseigne à poser des questions qui rendent possible l’action.(Brecht, 1965, p. 58)

L’étude des contraires, leur dépendance, les différents aspects du changement, le discernement des processus et la nécessité d’agir sur ceux-ci sont des caractéristiques que l’on trouve dans la méthode dialectique matérialiste forgée par Marx et Engels. L’une des premières difficultés que l’on rencontre lorsque l’on s’attache à penser la dialectique matérialiste en tant que méthode est qu’il n’existe pas de textes théoriques rédigés par Marx la concernant directement. Le seul texte méthodologique que l’on connaît est inachevé : il s’agit de l’Introduction à la critique de l’économie politique. On peut y lire :

Quand nous considérons un pays donné au point de vue de l’économie politique, nous commençons par étudier sa population, la division de celle-ci en classes, sa répartition dans les villes, à la campagne, au bord de la mer, les différentes branches de production, l’exportation et l’importation, la production et la consommation annuelles, les prix des marchandises, etc.

Il semble que ce soit la bonne méthode de commencer par le réel et le concret, qui constituent la condition préalable effective, donc en économie politique, par exemple, la population qui est la base et le sujet de l’acte social de production tout entier. Cependant, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que c’est là une erreur. La population est une abstraction si l’on néglige par exemple les classes dont elle se compose. Ces classes sont à leur tour un mot creux si l’on ignore les éléments sur lesquels elles reposent, par exemple le travail salarié, le capital, etc. Ceux-ci supposent l’échange, la division du travail, les prix, etc. Le capital, par exemple, n’est rien sans le travail salarié, sans la valeur, l’argent, le prix, etc. Si donc on commençait ainsi par la population, on aurait une représentation chaotique du tout et, par une détermination plus précise, par l’analyse, on aboutirait à des concepts de plus en plus simples ; du concret figuré on passerait à des abstractions de plus en plus minces, jusqu’à ce que l’on soit arrivé aux déterminations les plus simples. Partant de là, il faudrait refaire le chemin à rebours jusqu’à ce qu’enfin on arrive de nouveau à la population, mais celle-ci ne serait pas, cette fois, la représentation chaotique d’un tout, mais une riche totalité de déterminations et de rapports nombreux.(Marx, [1857] 1972, pp. 164-165)

L’auteur esquisse le mouvement de la dialectique propre à l’objet qu’il étudie : le Capital. Il s’agit de partir du réel, du concret, du particulier pour s’élever au général, entamer un processus d’abstraction, de conceptualisation, pour retourner au particulier et enrichir son analyse par les connaissances acquises au cours de ce processus. Abstraire vient du latin abstrahere qui signifie « extraire », « tirer de ». Il s’agit d’extraire du tout une partie que l’on peut étudier et manipuler. La démarche dialectique a un double objectif : « découvrir comment une chose fonctionne ou survient, tout en améliorant simultanément sa compréhension du système dans lequel elle peut précisément fonctionner ou survenir ainsi » (Ollman, 2005, p. 27).

La dialectique, selon Mao Tsé-Toung « nous apprend surtout à observer et à analyser le mouvement contradictoire dans les différentes choses, les différents phénomènes, et à déterminer, sur la base de cette analyse, les méthodes propres à résoudre les contradictions » (Mao, [1937] 1973, p. 11). Le dialecticien étudie le mouvement de chaque chose produit par la confrontation des contraires présents dans chaque chose. Tous les aspects de ce mouvement doivent être analysés : le caractère spécifique de la contradiction, son caractère universel, la contradiction principale et son aspect principal, la distinction des contradictions antagonistes des contradictions non-antagonistes (idem, p. 48).

Comme le résume Alain Badiou, pour Mao Tsé-Toung – que Brecht lut attentivement4 – le principe de l’unité des contraires repose sur cinq thèses dialectiques :

Toute réalité est processus.

Tout processus se ramène, en dernier ressort, à un système de contradiction.

Dans un processus (c’est-à-dire un système de contradictions), il y a toujours une contradiction qui est principale.

Toute contradiction est dissymétrique : autrement dit, un des termes de la contradiction est toujours dominant sur le mouvement d’ensemble de la contradiction elle-même. C’est la théorie de l’aspect principal de la contradiction.

Il existe des contradictions de type différent dont la résolution relève de processus différents. La principale distinction à faire en la matière est celle des contradictions antagonistes et des contradictions non antagonistes. (Badiou, 1976, p. 48)

Nous verrons plus loin que ces thèses ont un écho important dans l’élaboration du théâtre épique et dialectique de Brecht.

Pierre Macherey démontre dans son étude des Thèses sur Feuerbach que l’apport décisif de Marx au matérialisme est l’introduction dans l’analyse matérialiste de la dialectique hégélienne. En prenant position contre le matérialisme de Feuerbach – matérialisme mutilé, vulgaire, concentré uniquement sur l’objet – Marx opère un retour à l’hégélianisme qui révélait déjà « les apories liées à la scission des deux points de vue de l’objet et du sujet » (Macherey, 2008, p. 45). Toutefois, il est nécessaire de signaler que Marx transforme la méthode dialectique héritée de Hegel en opérant un «décalage de point de vue », un « changement d’élément » lorsqu’il la confronte aux processus sociaux et historiques sur le terrain de la critique de l’économie politique.

Marx insiste pour que toute analyse matérialiste de la réalité objective prenne en compte le sujet même qui produit cette analyse, dans tous ses aspects sociaux et humains. La méthode dialectique « fournit […] un guide, un cadre général, une orientation pour la raison dans la connaissance de chaque réalité » (Lefebvre, 1948, p. 31). La réintroduction de la position du sujet permet aux dialecticiens matérialistes de considérer l’impossibilité de connaître l’intégralité des aspects de la réalité étudiée ; toutefois il importe de s’inscrire dans une étude qui tentent de les étudier tous5. Marx avait conscience que les sociétés humaines se structuraient à partir de plusieurs rapports d’exploitations et d’oppressions, tous interconnectés, qui ne se réduisaient pas exclusivement à l’exploitation capitaliste.

Au sujet de la fameuse onzième thèse sur Feuerbach de Marx (« les philosophes ont seulement interprété le monde de diverses manières, ce qui compte, c’est de le transformer»), Macherey en vient à définir le concept de praxis:

La praxis, c’est ce qui exprime un rapport au monde qui n’est pas purement passif : l’objet n’est pas à son point de vue ce à quoi on se soumet, mais ce à l’égard de quoi potentiellement on intervient, et tout d’abord ce vers quoi on se tourne, ce vers quoi on va, animé par des intérêts bien précis, au point de vue desquels le monde, en même temps qu’il est donné reste en partie à élaborer, c’est-à-dire doit être transformé en fonction de besoins pratiques, donc en fonction des besoins de l’homme pour qui le monde n’est pas seulement un cadre de vie indifférent et neutre ou un spectacle à contempler, mais quelque chose avec quoi il est en relation permanente d’échange et, à l’occasion, de conflit, ce qu’expriment entre autres les dures nécessités du travail et de la lutte. (Macherey, 2008, pp. 50-51)

Cette définition de la praxis est particulièrement importante lorsque l’on étudie l’écriture réaliste de Brecht ; écrire de façon réaliste c’est « se laisser consciemment influencer par la réalité et en retour influer consciemment sur elle » (Brecht, [1940] 1979, p. 148). La réalité, ce qui est effectif et à partir de quoi se construisent des vérités, doit être appréhendée comme un objet sur lequel l’activité humaine peut avoir un effet transformateur. Pierre Macherey met au jour cette dimension en analysant l’usage du terme Wirklichkeit dans les écrits de Marx :

Wirklichkeit vient du verbe wirken, littéralement « œuvrer », à partir duquel a été aussi formé le substantif Werk: ce mot exprime donc la réalité, non pas en tant qu’elle est déjà toute faite, et donnée comme ça, à prendre ou à laisser comme telle, mais en tant qu’elle est une « œuvre », le résultat d’un travail, ou généralement d’un faire qui en détermine la constitution. (Macherey, 2008, p. 73)

La réalité doit être représentée comme étant une construction à la fois objective et subjective. Le réalisme de Brecht s’élabore sur cette articulation-là, c’est précisément à cet endroit qu’il faut considérer son travail esthétique. Sa conception du réalisme ne s’oppose pas au naturalisme : elle le dépasse dialectiquement. Sur le naturalisme, Brecht écrit :

Un réalisme grossier et plat qui n’a jamais mis au jour les rapports profonds existant entre les choses et qui est donc devenu particulièrement insupportable là où il a visé à des effets tragiques, car contrairement à ce qu’il croit, il ne représentait pas une nature éternelle et immuable…

Ce style avait nom naturalisme, parce qu’il donnait de la nature humaine une représentation naturelle (phonétique), c’est-à-dire immédiate, simple reproduction des apparences. L’« Humain » jouait là un grand rôle, il servait de trait d’« union » universel (car on se contentait de cette sorte de communion). Et le « milieu conçu comme destin » suscitait la pitié, ce sentiment qu’« on » a lorsqu’on est incapable d’apporter la moindre aide et qu’en esprit du moins on « com-patit ». Mais ainsi le milieu a été vu comme une forme de nature, c’est-à-dire comme quelque chose d’immuable, à quoi on ne pouvait échapper. (Brecht, 1972, p. 211)

Si le naturalisme a permis à des œuvres dramatiques, littéraires ou théâtrales, d’aborder le quotidien des classes laborieuses, l’identification des spectateurs aux personnages grâce à la pitié qu’ils suscitent, ne provoque que compassion. Les situations sociales représentées apparaissent alors comme des faits naturels impossibles à transformer. Cette prétendue pure objectivité signifie, selon Brecht, « l’impartialité comme prise de parti » (idem, p. 221).

Dans un schéma, Brecht trace le parcours qui mène du drame naturaliste à « la dramaturgie dialectique de type naturaliste». Deux étapes importantes jalonnent cette démarche de « changement de fonction du théâtre » (*Umfunktionierung*). La première est la découverte et l’incorporation de la dialectique dans l’élaboration du drame. La seconde est la réflexion portée sur les techniques théâtrales et l’économie du théâtre6.

L’élaboration d’un théâtre réaliste qui soit à la hauteur des enjeux du monde contemporain, d’un théâtre « d’une ère scientifique » dont l’objectif est un changement de fonction sociale, nécessite « une transformation totale de la technique » (idem, p. 242). La transformation du théâtre implique une étude de son histoire, de sa place dans la société, de ses techniques dominantes, de ses règles et des conventions qui régissent les représentations théâtrales7.

Interpréter et transformer le monde. À propos du réalisme.

Daniel Bensaïd précise la onzième thèse de Marx sur Feuerbach en affirmant que « transformer le monde, ce n’est plus seulement, mais c’est encore l’interpréter » (Bensaïd, 1995, p. 218). La précision est importante car, effectivement, cette dernière thèse a sans doute induit (et induit encore aujourd’hui) en erreur. La preuve en est ce « paradoxe du spectateur » selon Jacques Rancière : « il n’y a pas de théâtre sans spectateurs » (Rancière, 2008, p. 8) et pourtant nombre d’artistes ne cessent aujourd’hui de dénoncer leur immobilité, leur passivité, la délégation de leurs capacités à des personnages sur scène. Selon ces critiques : « être spectateur, c’est être séparé tout à la fois de la capacité de connaître et du pouvoir d’agir » (idem).

Brecht avait parfaitement conscience de cette articulation dialectique nécessaire entre l’objet et le sujet, l’interprétation et la transformation, la théorie et la pratique. Loin de réduire son théâtre à un dispositif qui interpellerait des sujets aliénés pour les constituer en sujets révolutionnaires, Brecht nourrissait certainement des ambitions plus modestes (et plus réalistes) pour sa pratique théâtrale comme en témoigne ces vers : « Dès lors votre spectateur aura pris place/non seulement/Dans votre théâtre, mais/Dans le monde » (Brecht, 1966, p. 177).

L’articulation sujet-objet ne se trouve pas dans l’opposition spectateur/acteur ou passif/actif. Le spectateur n’est pas invité à se transformer en « acteur […] quand finit le spectacle » (Althusser, 1965, p. 151). Il n’est pas cet être passif qui contemple les formes et absorbe tous les messages qui seraient contenus dans un spectacle. Le spectateur est toujours-déjà en train de produire une interprétation du spectacle. Il cherche à comprendre ce qui a motivé l’activité de l’artiste et va produire un « texte » qu’il suppose correspondre au geste de l’artiste envisagé alors comme laréponse possible à une demande non-formulée. Ce désir de comprendre est lui-même motivé par l’absence, le manque, le retrait de l’artiste de son œuvre.

Tout d’abord un spectateur produit, consciemment ou inconsciemment, une interprétation du spectacle auquel il assiste. Cette interprétation est, pour une part, singulière et pour une autre part commune aux autres spectateurs. Un certain nombre de codes, de signes, de valeurs culturellement déterminés (les relations sociales des personnages, des expressions, etc.) seront a priori reconnus par plusieurs spectateurs qui partageront une même interprétation de ces significations. Tandis que d’autres éléments de la pièce (un geste, une lumière), mis en relation entre eux ou pris isolément, peuvent être le support d’interprétations divergentes ou contradictoires. De même, la liberté de circulation du regard du spectateur – quand bien même celui-ci a tendance à être cadré dans la scénographie par le son et/ou la lumière – empêche toute tentative de penser de manière homogène les effets produits par le spectacle sur les spectateurs.

Le réalisme, selon Brecht, nécessite d’être « nettoyé avant usage, comme une notion ancienne, dont beaucoup ont déjà usé et abusé pour des fins trop nombreuses et diverses » (Brecht, 1979, p. 116). En effet, un lieu commun persistant laisse entendre que le réalisme induit une représentation du monde qui s’accorde avec les préjugés les plus en vogue ; qu’un point de vue réaliste implique une neutralité de l’auteur dans son positionnement face aux situations qu’il représente. En réalité, pour Brecht « Réaliste veut dire : qui dévoile la causalité complexe des rapports sociaux ; qui dénonce les idées dominantes comme les idées de la classe dominante ; […] qui souligne le moment de l’évolution en toute chose ; qui est concret tout en facilitant le travail d’abstraction » (idem, p. 117). Dévoiler la complexité des rapports sociaux et la circulation des idées dominantes de la classe dominante implique l’élaboration d’outils dramaturgiques qui permettent de représenter cette réalité.

Le Verfremdungseffekt de Brecht, que l’on peut traduire par « l’effet d’étrangeté ou d’éloignement, […] de dépaysement » (Blanchot, 1969, p. 532) ou d’« étrangisation» (Jameson, 2007, p. 18), a pour objectif de rendre étranges les processus sociaux les plus banals « afin d’amener le spectateur à considérer ce qui se déroule sur la scène d’un œil investigateur et critique » (Brecht, 1972, p. 541). Procédé qui est lui-même banal, dixit Brecht :

En produisant l’effet de distanciation, on accomplit une chose banale et quotidienne, ce n’est rien qu’une manière très répandue de faire comprendre quelque chose à quelqu’un ou à soi-même ; cet effet se rencontre sous bien des formes, tant au cours des études que pendant une réunion d’hommes d’affaires. Distancier, c’est transformer la chose qu’on veut faire comprendre, sur laquelle on veut attirer l’attention, de chose banale, connue, immédiatement donnée, en une chose particulière, insolite, inattendue. Ce qui se comprend tout seul et d’une certaine manière rendu incompréhensible, mais à seule fin d’en permettre ensuite une meilleure compréhension. Pour passer d’une chose connue à la connaissance claire de cette chose, il faut la tirer hors de sa normalité et rompre avec l’habitude que nous avons de considérer qu’elle se passe de commentaires. Si banale, insignifiante, populaire soit-elle, on la marque du sceau de l’inhabituel. On a recours à un effet de distanciation des plus simples quand on dit à quelqu’un : « As-tu déjà regardé ta montre de près ? » Celui qui me demande cela sait que je l’ai souvent regardée, mais par sa question, il m’enlève la vue habituelle et donc indifférente que j’en avais. Je la regardais pour savoir l’heure ; maintenant que je me vois interrogé avec insistance, je constate que j’ai depuis longtemps cessé de lui porter un regard étonné, cependant qu’elle est à bien des égards un mécanisme surprenant. (idem, p. 345)

Cet effet possède plusieurs aspects : d’une part il tend à exposer le caractère transformable de la réalité sociale et d’autre part il révèle le caractère artificiel de sa représentation.

Se conjuguent alors dans un même mouvement :


  1. « Je croyais alors qu’on pouvait faire quelque chose dans le domaine du théâtre dans la direction de Brecht. Cela n’était sûrement pas injustifié. C’était également l’époque où l’œuvre de Brecht s’imposait ici d’une façon générale, une époque qui me donne aujourd’hui à réfléchir, parce qu’en 1961 le B[erliner] E[nsemble] avait atteint un palier où, d’une certaine façon, le travail de Brecht était catégorisé et rendu populairement scientifique. Il était en grande partie édulcoré mais il était à la portée de tous. Et c’était l’époque où il n’y avait pour ainsi dire pas un seul théâtre ici qui ne s’efforçât de travailler selon les méthodes brechtiennes. […] L’essentiel de la méthode de travail était de soumettre chaque pièce à une analyse très précise et très scrupuleuse. Le point de départ de l’analyse consistait toujours, d’une part, à établir l’utilité sociale de la pièce et à découvrir les rapports dialectiques dans la fable. On comprenait le théâtre avant tout dans sa fonction d’élucidation. D’autre part, la méthode consistait à faire reposer le travail théâtral sur des épaules assez larges. La volonté de réaliser une grande collectivité permettait relativement peu d’individualisme ; le théâtre était un grand appareil, une grande institution où tous ceux qui étaient engagés participaient à un travail et ne se trouvaient plus seulement dans un rapport d’exécutants, dans un rapport de serviteurs. » [Langhoff, 1979, pp. 57-58] [] 

  2. Suite : « Moi, quand je suis tombé sur ce texte, je me suis dit : voilà, tout est clair, il y a donc aussi un apprentissage possible dans l’art du théâtre, pas seulement dans l’art de l’acteur, mais dans l’art du théâtre tout entier. C’est réjouissant, non ? Et la voie indiquée est la plus simple qui soit : par l’expérimentation physique. Fais-le et tu comprendras. » [Ingold, 2000, p. 151] [] 

  3. « C’est en lisant Le Capital de Marx que j’ai compris mes pièces. On admettra que je souhaite une diffusion abondante de ce livre. Bien entendu, je n’ai pas découvert que, sans m’en douter, j’avais écrit tout un tas de pièces marxistes. Mais ce Marx était pour mes pièces le seul spectateur que je me fusse jamais imaginé. Seul un homme ayant de pareil sujet d’intérêts pouvait s’intéresser à des pièces comme les miennes. Non parce qu’elles étaient intelligentes, mais parce que lui l’était. Elles lui offraient des matériaux d’observation. » [Brecht, 1972, pp. 128-129] [] 

  4. « Après avoir lu les poèmes de Mao dont il adapte quelques-uns, Brecht découvre son texte théorique essentiel et l’événement est de taille pour la biographie de celui qui n’avait plus d’yeux que pour la Chine. Il écrit lui-même dans 1954 : première année : “J’ai lu… l’article de Mao sur la contradiction.” À la fin de cette même année, à l’occasion d’une enquête sur “le livre qui vous a impressionné le plus”, il cite l’œuvre de Mao en attestant sa portée. La rencontre s’avère décisive. La Chine à la place de l’U.R.S.S. et Mao à celle de Lénine : Brecht change de maître. » (Banu, 1981, p. 169). L’essai de Mao Tsé-Toung n’est pas une critique ou une correction des essais de Lénine sur la dialectique mais plutôt un développement théorique des lois de la dialectique tel qu’elles sont exposées dans les œuvres marxistes. L’objectif du texte de Mao était de « corriger les graves erreurs d’ordre dogmatique existant dans le Parti ». L’auteur s’appuie précisément sur les notes de Lénine sur les Leçons d’histoire de la philosophie de Hegel (« Résumé des Leçons d’histoire de la philosophie de Hegel (1915) ») et sur son article « À propos de la dialectique (1915) ». [] 

  5. « Pour connaître réellement un objet, il faut embrasser et étudier tous ses aspects, toutes ses liaisons et “médiations”. Nous n’y arriverons jamais intégralement, mais la nécessité de considérer tous les aspects nous garde des erreurs de l’engourdissement. » Lénine, « À nouveau les syndicats, la situation actuelle et les erreurs de Trotski et Boukharine » (janvier 1921) (cité dans Mao, [1937] 1973, p. 22). [] 

  6. « En résumé : la dramaturgie naturaliste a emprunté au roman français tout à la fois sa matière et la forme épique. La dramaturgie qui lui a succédé a renoncé aux sujets mais a repris la forme épique (point le plus faible de la dramaturgie naturaliste !), car elle y voyait un principe purement formel. En même temps que le mode de représentation épique, elle a fait sien l’élément didactique qui se trouvait déjà dans la dramaturgie naturaliste, dramaturgie du vécu. Mais c’est seulement au terme d’une série d’essais purement constructivistes en espace vide qu’elle a donné quelque poids à cet élément didactique lui-même, en appliquant la nouvelle forme épique à la réalité. Elle a ainsi découvert la dialectique de la réalité (et pris conscience de sa propre dialectique). Mais ces essais sous vide n’avaient pas été un simple détour, ils avaient conduit à découvrir le rôle du gestus qui constituait aux yeux de la dramaturgie moderne l’élément dialectique sous-jacent aux rapports existant entre le drame et le théâtre. » (idem., p. 213-214). [] 

  7. « Parmi les différentes institutions, le théâtre a son histoire, qui est vieille, sa place, qui est déterminée. Il dispose d’une technique déterminée, et il communique un plaisir déterminé, lequel ne peut naître que si les gens de théâtre et les spectateurs respectent les règles, si anciennes qu’on les a quasiment oubliées en tant que règles. » (Brecht, 1972, p. 249). []